Gunkanjima, la forteresse abandonnée
Le Japon compte des milliers d’îles et pourtant, une mérite plus d’attention que n’importe quelle autre. Il s’agit d’Hashima, une toute petite île au large de Nagasaki aux allures de cuirassé qui lui vaudra un nom bien particulier : Gunkanjima, l’île cuirassé. Mais alors qu’est-ce que cette île en ruine a elle de particulier ?
Elle est une véritable capsule temporelle, autrefois lieu de vie, de labeur et même de souffrances pour beaucoup. Quoi qu’il en soit, c’est un lieu chargé d’histoire qui mériterait d’être plus étudié car beaucoup ignorent ce qu’il s’y passait vraiment.
Du charbon à profusion.
C’est probablement ce que s’est dit Iwasaki Yataro, fondateur de Mitsubishi, lorsqu’il décida d’acheter l’île à la fin du 19ème siècle en découvrant que l’île abritait d’importants gisements de charbon. Elle y installa la 1ère mine de charbon du Japon en 1890 et devient le symbole de la révolution industrielle de l’ère Meiji, qui va permettre à elle seule de soutenir l’effort de guerre. 1974 signe la fermeture de la mine, le Japon étant passé au pétrole.
Rebouchée, elle reste tout de même pour des milliers d’ouvriers, des souvenirs amplis de douleurs. Les ouvriers se relayaient 24h/24 et subissent les maladies et nombreux accidents miniers. Les conditions sont extrêmes, la mine se situant à 1km de profondeurs, les ouvriers travaillaient sous 35 à 40°C avec un taux d’humidité de 95%. Mais c’est un mal nécessaire, la mine d’Hashima porte à bout de bras l’industrie japonaise.
Un lieu plein de vie
L’île a accueilli de nombreux travailleurs ainsi que leur familles, trop petite, elle subit des agrandissements entre 1899 et 1931. Elle atteignait désormais la superficie de 6.3 hectares.
Et sur place, tout est fait pour offrir une vie “classique” aux habitants de l’île. Les enfants et étudiants suivent une éductaion classique grâce à l’école maternelle, collège, lycée et université construits sur Hashima. Les infrastructures diverses ne manquent pas : cinéma, court de tennis, une piscine et même un pachinko ! Lieu à risque et assez mal relié au continent, un hôpital est construit pour soigner les habitants et mineurs sur place. Les japonais restent des japonais, donc on n’oublie pas d’y construire un temple et un sanctuaire sur l’île, dans lesquels ils organisaient des festivals comme à leur habitudes. Bref on y manque clairement de rien quand on sait que même un bordel s’y trouve pour satisfaire les hommes. L’île devient de plus en plus attractive et la population grimpe assez rapidement, jusqu’à atteindre 5260 habitants en devenant le lieu le plus densément peuplé dans les années 50.
Une vérité qui dérange.
Son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2015 n’a pas été du goût de tout le monde, en particuliers celui des coréens. Le gouvernement s’est montré scandalisé que l’on puisse faire l’apologie d’un lieu qui a été le théâtre de crimes de guerres. Attends quoi ?
Et oui, de 1910 à 1945 la Corée toute entière est occupée par l’empire japonais. 800 travailleurs forcés coréens sont envoyés sur l’île contre leur gré. Beaucoup y sont morts quand ils ne subissaient pas des tortures extrêmes lorsqu’ils montraient du mécontentement ou tentaient de s’évader. Les enfants y étaient aussi envoyés, souvent chargés de travailler dans les plus petits recoins de la mine. Ils étaient également surveillés non-stop par des gardes, de l’esclavage pur et dur. Les femmes elles, étaient envoyées dans les bordels de l’île. Un véritable couteau remué dans cette plaie coréenne, créée par le traumatisme des femmes de réconfort : un véritable réseau de bordel organisé par le gouvernement lui même où de nombreuses chinoises et coréennes étaient envoyées. La vie commune n’y était ma meilleure, les coréens vivaient dans des quartiers miteux avec des barreaux aux fenêtres, loin des japonais qui ne souhaitaient pas non plus être mélangés avec ces derniers.
Mineurs chinois, seul preuve visuelle des conditions de travail sur Hashima
Un très bon film en parle : Battleship Island, vous devriez foncer le voir si c’est une partie de l’histoire qui vous fascine comme moi !
En bref, le Japon cache aujourd’hui cette partie de son histoire et à ce jour n’a ni dédommagé les victimes ni présenté ses excuses, chose qui n’a fait que raviver les hostilités. Il est en même temps très probable que toute les preuves du travail forcé exercé ait été détruit durant la guerre, permettant au gouvernement japonais de réfuter toutes les accusations et de balayer le sujet sous le tapis.
Malgré cette partie sombre, elle est une source de souvenirs indélébiles pour beaucoup de japonais y aillant grandit. Un souvenir perdue à tout jamais dont il est difficile de retrouver les traces parmi les décombres, alors on dit définitivement “Sayonara, Hashima” !